L’Art dans la rue selon David Snug

1 Posté par - 24 septembre 2013 - INTERVIEWS

 Il y a quelques jours, nous tombions sur une planche d’un certain David Snug intitulée « L’art est dans la rue  ».

Vocabulaire cru et plume acerbe, les dialogues de la B.D nous ont de suite plu. Passé la forme, le fond nous a également séduit. Entre deux critiques de Mr Chat et Miss Tic, ce sont les institutions récupérant le Street Art, qui sont également visées.

Et là on se dit que toutes ressemblances avec une Mairie du 13ème, ou des graffeurs invités à l’Elysée ne sont pas fortuites.

Récupération, égo, soif d’argent et de reconnaissance à en perdre toutes valeurs et tout sens critique, voilà ce que pointe cette B.D et ça on aime.

Pour ceux qui nous lisent régulièrement, vous l’aurez compris, nous partageons la vision de David sur pas mal de points (Cf « Liker de haters et vice versa  »), malgré quelques divergences de tailles.

Pas sectaires, enclins au dialogue et curieux, nous avons voulu découvrir qui se cache derrière ce David Snug.

C’est ainsi que nous avons décidé de l’interviewer et de laisser la parole à une personne qui n’apprécie pas forcément l’Art Urbain.

Voici sa B.D « L’art est dans la rue », à double sens de lecture, suivie de son interview sans concessions et sans langue de bois:

Peux-tu te présenter, nous parler de tes projets, de ton activité ?

« Je fais de la bande dessinée et de la musique.

J’ai sorti cinq bouquins, quatre aux Enfants Rouges et un chez Marwany. J’en ai un autre en préparation et je tiens un blog de bande dessinée qui paraîtra sûrement en bouquin également.

J’écris des chansons pour le groupe Trotski Nautique. On travaille actuellement sur un vinyle qui sortira sur le Label Et mon cul c’est du tofu ?.

Sinon, j’ai vaguement fait des études d’arts plastique, ensuite j’ai fait plein de « petits boulots » et maintenant je survie sans trop travailler. »

Quels sont tes liens avec le Street Art ?

« Je dirais aucun, je n’ai jamais pratiqué. J’ai habité pendant environ cinq ans à la Goutte d’or à Paris 18ème, rue Ordener. Il y avait en face de mon immeuble un grand mur ou tout le monde pouvait peindre ce qu’il voulait. (Ndlr : le mur au-dessus des voix ferrées très connu des adeptes de graffiti parisien).

En cinq ans je n’ai vu que des gens qui faisaient des trucs techniques, essentiellement basés autour de la culture Hip Hop je crois. L’impression que ça me donnait, c’était qu’ils n’avait pas grand chose à montrer ou à dire, à part qu’ils savaient utiliser une bombe aérosol et qu’ils voulaient que ça se sache. »

Quel est ton point de vue par rapport au Street Art ?

« Avec Totski Nautique, on fait beaucoup de concerts, squatts, bars, salles de concerts… mais j’ai une règle de base, c’est de ne jamais faire de concerts sauvages dans la rue pour des gens qui n’ont rien demandé parce que dans n’importe quel Art je n’aime pas que la performance ou la création soit imposée par la force.

Pour moi le Street Art c’est un peu ça, j’me ballade dans la rue, je trouve un quartier joli et je vois un dessin sur un mur. Je ne peux pas m’empêcher de penser que la personne qui a fait ça, n’a pensé qu’à elle et s’est octroyé le mur de force. »

 Tu vois donc le Street Art comme violent, comme un viol ? Au même titre que les pubs ?

« Quand j’étais sur Paris je m’intéressais pas mal aux Débouloneurs. Les Débouloneurs se sont des gens qui, de manière non-violente, vont écrire sur les panneaux publicitaires dans la rue, tout en prévenant la police avant, afin de se faire arrêter pour médiatiser leur action. Un Gars de ce collectif m’a expliqué que 40 % des panneaux publicitaires à Paris étaient installés de manière illégale.

Je dirais que pour la plupart de ce qui se fait en Street Art, ça procède de la même intention : faire de la pub sauvage afin de se faire connaître pour faire monter sa cote et vendre méga-cher dans des galeries. »

Pourquoi avoir fait ces planches sur le Street Art ?

« Ça doit être à cause de mon coté communiste, j’avais envie de dénoncer le coté « la rue m’appartient » des gens qui font du Street Art. »

Que penses-tu de la récupération de ce mouvement ?

« Je pense que dans un monde ultra-libéral, tout le monde ne pense qu’a faire des sous, et les street artistes n’échappent pas à la règle. Dès qu’ils peuvent récupérer du pognon, tous les moyens sont bon. »

Mais avec tes livres tu es dans la même démarche de prendre des sous non ? Par exemple tu nous dis que ton blog sortira en bouquin, pourquoi ne pas le laisser gratuit et sortir en physique un autre projet ? Ça sent un peu la volonté pécuniaire non ?

« Je n’ai rien contre le fait de gagner un peu d’argent avec la BD pour vivre effectivement (en ce moment c’est loin d’être le cas).

C’est sûr que dans un monde idéal, je dirais communiste libertaire, tous les livres seraient disponibles dans les bibliothèques, les cinémas seraient gratuits, la piscine et les transports en commun aussi. Il n’y aurait pas de riches, pas de pauvres, tout le monde gagnerait pareil et on bosserait deux ou trois heures par semaine pour nourrir la communauté. Bon je ne te cache pas que je n’y crois pas une seconde, donc il faut bien se démerder pour vivre. »

Pourquoi Mr Chat et Miss Tic sont présents sur tes planches ?

« Parce que Mr Chat dessine sont chat partout et notamment dans « Norman fait des vidéos » et que Miss Tic fait des pubs pour de la location de camion. »

Quels sont les artistes urbains dont tu apprécies le travail ?

« Je dirais aucun, mais en même temps comme tu as pu le constater je n’y connais pas grand chose. »

Malgré ta « méconnaissance » du sujet, tu sembles avoir bien cerné le Street Art et ses dérives. 

« Euh j’en sais rien :). En tous cas c’est pareil dans tous les milieux, il y aura toujours un mouvement de base qui se fera récupérer… »

Le mot de la fin

Finalement, je pense que sa bande dessinée a plusieurs degrés de lecture, dans laquelle tout n’est pas faux et dont certains points de vues sont pertinents.

Nous ne sommes pas toujours obligés d’être d’accord sur tout, mais d’autres points de vues permettent une approche différente, à l’heure où le « monde des bisounours » du Street Art est branché.

Et puis un peu d’humour n’a jamais tué personne…

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